La troisième rencontre InterTransfo a eu lieu le 17 octobre dernier. Elle rassemblait les équipes de résidents et les agents régionaux engagés dans chacun des programmes Transfo déployés par la 27e Région en Champagne-Ardenne, Bourgogne, Pays de la Loire de Provence-Alpes Côte d’Azur. Retour sur cette journée de réflexion, d’échange et d’analyse.
Après deux premières rencontres, la première orientée vers l’objectif final des programmes, et la seconde vers la recherche de solutions à des problèmes concrets, cette troisième InterTransfo marque le temps d’un bilan, à mi-parcours du programme. C’est le moment pour les 4 équipes et leurs interlocuteurs en Régions de prendre du recul et la mesure des avancées et des difficultés rencontrées.
La matinée est donc consacrée à un point d’étape de chacune des Transfos, à partir de 3 questions posées en amont aux participants :
- En quoi la Transfo interroge-t-elle la façon dont travaille la Région ?
- En quoi transforme-t-elle les pratiques des agents/citoyens/élus/professionnels?
- En quoi apporte-t-elle un regard nouveau sur la thématique traitée au sein de l’institution?
Au fur et à mesure des réponses détaillées de chacune des équipes, plusieurs questionnements ou constats se répètent, tandis que d’autres sujets ou enjeux, mis en avant lors des deux précédentes sessions, semblent désormais moins critiques. Le défi n’est plus, par exemple, de réussir à libérer la parole des agents, le cadre de confiance de la Transfo se renforçant dans la plupart des Régions.
La bienveillance des élus : nécessaire, mais pas suffisante
Au regard de la relation aux élus et au « top management » administratif, l’enjeu semble s’être déplacé : alors qu’il était au départ crucial de s’assurer de leur bienveillance, voire de leur soutien, il faut désormais réussir à les impliquer de manière active dans la démarche Transfo. Une implication personnelle plus compliquée à susciter que prévu, ce qui amène même certaines équipes à envisager des sessions de Transfo conçues pour et destinées spécifiquement aux élus et managers. L’idée ne fait pas l’unanimité.
Cette nécessité est liée à la question de la gouvernance de la Transfo, qui se pose à nouveau dans chaque Région, cette fois-ci à partir de cas concrets, rapportés par les participants. Si en Champagne-Ardenne, les résidents et référents jeunesse ont construit leur propre programme de travail, en Provence-Alpes Côté d’Azur, le processus de validation hiérarchique pèse encore sur la prise d’initiative des agents investis dans le programme. Dans l’ensemble, la logique de commande reste difficile à dépasser.
Apprendre à accepter un corps étranger et à le laisser fonctionner en électron libre
En Pays de la Loire, l’équipe note que « la Transfo infuse à la base » et que « les micro-changements d’habitudes sont une base nécessaire pour pouvoir emmener les agents vers des choses plus questionnantes« .
C’est en bousculant, même brièvement, les habitudes, que la démarche Transfo se transmet le mieux : en immersion à la Flèche, lors de la dernière semaine de Transfo, les élus ont pris part à des d’ateliers participatifs, mais sans dévoiler leur fonction. Noyés dans la masse ils ont été « modérés » par les agents régionaux qui assuraient l’animation des ateliers.
Transfo, subversion et sectarisme
L’un des nouveaux arrivants de cette InterTransfo livre son analyse du bouleversement qu’entraîne la Transfo. Celle-ci réduit la distance entre le discours et l’acte, car on va au-delà des mots qu’on utilise habituellement. « Et dès que l’on se déplace sur le terrain, en immersion, le discours explose complètement. Les gens reviennent transformés« .
Cette expérience crée un sentiment d’appartenance; un vocabulaire commun au sein du groupe, qui peut conduire si l’on n’y prend pas garde à adopter un comportement excluant : « j’ai l’impression que l’on commence à considérer les autres comme des profanes, c’est un risque« .
La « Transfo autonome », une préfiguration des futurs labos ?
L’appropriation de la démarche et des méthodes de la Transfo varie d’une région à l’autre, les programmes étant à des stades d’avancement différents (6e semaine sur 10 en Bourgogne, 2e semaine en PACA).
En Champagne-Ardenne, entre les semaines 4 et 5, une « Transfo autonome » s’est auto-baptisée et auto-organisée : le groupe des référents jeunesse a organisé ses propres immersions, rencontres et entretiens avec des partenaires sur le terrain. Dans les réunions transversales, on se demande désormais « comment la Transfo aborderait-elle ce problème ? ». Ces nouveaux réflexes, très encourageants pour les équipes, ont cependant leurs limites : dans la pratique, les initiatives se heurtent encore souvent à la réalité hiérarchique de l’institution. « On arrive dans le coeur des problématiques : management et méthodes » conclue un participant, et « on cherche la pérennité » ajoute une résidente.
Dans l’après midi, les équipes de chaque Transfo sont mélangées pour partager les réussites et réinterroger les difficultés de chacun, collectivement ou personnellement. Trois mots clés émergent de ces discussions :
- Chronophagie : le rythme du programme Transfo est intensif. Les participants (résidents comme agents) s’interrogent sur la soutenabilité du modèle : si la Transfo est sensée prototyper, expérimenter le futur labo d’innovation de la région, est-il raisonnable qu’elle appuie son travail sur un rythme qui ne pourra pas être tenu sur la durée ? La question des modes et rythmes d’activité s’insère ainsi dans la réflexion globale sur la mise en place des futurs labo.
- Eco-système : chaque Transfo représente à elle-seule un petit éco-système qui a ses outils de communication, son langage, sa propre identité. Tous souhaitent cependant pouvoir plus et mieux échanger avec les équipes des autres régions, suivre au fur et à mesure les avancées et résultats du programme, qui nourrissent leur propre analyse. L’enjeu, pour la 27e Région, est donc de faciliter les échanges intra et inter-Transfos et d’améliorer la documentation du processus.
- Identité : Vis-à-vis de leur interlocuteurs régionaux ou extérieurs, les résidents ont parfois des difficultés à se situer, à se présenter par rapport à la 27e Région. La formalisation de leur lien contractuel et figuré avec l’association apparaît à nouveau comme un chantier urgent.
Encore une fois, l’InterTransfo a montré la forte valeur ajoutée de la dimension interrégionale de ce programme. Des équipes soudées, des nouveaux venus et des observateurs (cette fois-ci venus de la Région Nord-Pas de Calais) : voilà qui fait l’équilibre et la richesse de ces sessions.